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C’était le Gepetto d’ET” expliquait récemment Spielberg. Son père donc; celui qui avait su lui insuffler la vie, ou mieux le pneuma, son souffle vital. Avec Carlo Rambaldi (né en 1925 en Emilie-Romagne et mort vendredi 10 à l'âge de 86 ans) ce n’est pas seulement l’un des plus talentueux artisan du cinéma qui s’éteint, mais un véritable sorcier. Peintre, sculpteur, bricoleur de génie, Rambaldi a contribué à révolutionner le cinéma (euphémisme) en donnant vie aux plus grandes créatures du septième art. Resté célèbre pour avoir fait marcher ET, il avait (avec HR Giger) créé le xénomorphe d’Alien.On disait sorcier ? On connait la légende : en 71, pour une scène rêvée du Venin de la peur, Lucio Fulci avait demandé à Rambaldi d'imaginer des chiens éviscérés. Ses créatures paraissaient tellement réelles que la justice italienne attaqua Fulci pour “torture sur animaux” et Rambaldi dut venir au tribunal avec ses marionnettes pour sauver le cinéaste de la prison et prouver que tout cela n’était que du cinéma ! Magie d’une époque où le septième art prétendait encore à l’illusion du réel... Et sans rejouer l’éternelle guerre entre l’artisanat et l’industrie numérique, entre Ray Harryhausen et ILM ou bien l’hybris contre la mécanisation, on reconnaîtra que les créatures de Rambaldi avaient une certaine gueule. A une époque où les effets spéciaux ne passaient pas encore uniquement par les prouesses d’un ordinateur, il avait su transformer la matière pour donner corps aux fantasmes des cinéastes. Pape de la mécatronique - cette discipline qui combinait la mécanique, l’électronique et l’ingénierie - il ne cachait pas son mépris pour l’infographie et vantait l’artisanat de son métier : “Je suis un créateur d’acteurs mécaniques, qui n’existent pas dans la réalité. Ce qui m’intéresse, c’est la combinaison entre mécanisme, forme et reproduction du mouvement”.Parti d’Italie (où il révolutionna l’art du maquillage et des effets spéciaux et imprima sa marque sur le fantastique transalpin des 60’s), son génie fut révélé par Dino de Larentiis et rapidement récupéré par Hollywood : Joseph Mankiewicz pour Cléopâtre, John Huston pour La Bible firent appel à lui. Avant que les glorieuses 70’s fassent de lui le roi des SFX : successivement, il conçut le King Kong de Guillermin (même si sa sculpture de 12 mètres apparait finalement peu dans le film), les Greys de Rencontres du troisième type l’Alien, ET et les vers de Dune. ET et Alien lui vaudront l’Oscar des meilleurs effets spéciaux. Mais à côté de ces classiques, les cinéphiles se souviendront aussi de la pieuvre qui attaque Isabelle Adjani dans le fantasme de Possession ou du masque-tuba qu’il avait imaginé pour Danger Diabolik de Mario Bava (cinéaste avec lequel il travailla étroitement pendant de longues années).C'est un pan entier du cinéma fantastique qui disparaît aujourd'hui et la mort de Carlo Rambaldi laisse les créatures les plus folles du septième art définitivement orphelines.