BEAST, avec Idris Elba
Universal

Rencontre avec le spécialiste du film de survie, le réalisateur Baltasar Kormákur.

Un veuf (Idris Elba) et ses deux filles, un voyage en Afrique du Sud et un lion qui veut les bouffer. Voilà le pitch simple et efficace de Beast, le dernier film de survie de Baltasar Kormákur. En mai 2022, alors que sa bande-annonce venait d'être dévoilée, le réalisateur nous racontait comment faire monter l'angoisse du spectateur avec une bestiole capable de vous arracher la tête d'un coup de mâchoire. Nous repartageons ses propos pour patienter jusqu'à sa diffusion, ce soir sur Canal +.

Vous avez fait plusieurs films de survie où la nature elle-même était le danger. Qu'est-ce que ça change d'utiliser un animal comme menace ?
C'est un challenge, parce qu'il faut créer un personnage de zéro. Bon, évidemment, ce que j'ai fait sur Everest et A la dérive était compliqué, mais un lion 100 % en effets spéciaux numériques, c'est complètement autre chose ! Déjà, il fallait que je trouve un lion qui me plaise, avec un look spécifique. Et puis après, tu rentres dans le dur. J'ai choisi de faire de longs plans - bon, c'est pas Birdman non plus, hein, mais vous voyez l'idée - pour garder le spectateur captif. Je voulais créer le sentiment d'être bloqué avec ce satané lion. D'ailleurs, mon monteur voulait couper dans les plans pour dynamiser le tout, mais j'ai réussi à lui faire admettre que le film avait besoin de l'inverse. Mais le vrai truc compliqué, ça a été d'être ultra précis tout le temps sur le tournage : où est le lion exactement ? A quoi ressemble-t-il ? Comment bouge-t-il ? Le timing est essentiel, parce que la caméra doit capter tout ça à la seconde près. Super challenge. Donc pour vous répondre : ça change tout d'utiliser un animal, mais j'embrasse le changement parce qu'il n'y a qu'avec ça qu'on apprend.

Le survival avec un animal joue forcément avec l'imaginaire collectif et l'idée que le public se fait de la dite bestiole. C'est d'ailleurs pour ça que le cinéma utilise souvent le requin, depuis que Les Dents de la mer en fait un méchant de cinéma. Mais à première vue, le lion, c'est un peu léger, non ?
Ouais, ben je préfère mille fois être enfermé avec 60 requins qu'avec 60 lions ! Les lions représentent toujours un danger, même bien dressés. Parfois, ils tuent leur dresseur en les attaquant, même s'ils se connaissent depuis des années. Ils gardent une partie sauvage qui ne disparaît jamais. Une fois, je suis rentré dans la cage d'un lion. Je voulais voir ça de près, comprendre la bête, sentir ce que ça fait d'être à côté de lui. Au bout de trente secondes, le lion commence à rugir et le dresseur me dit de vite me barrer. Mais surtout sans me retourner, parce qu'après vous êtes une proie facile. Donc je sors en tremblant, et le mec me dit : « Je crois qu'il ne vous aime pas. Des fois ça arrive, on ne sait pas pourquoi. » Je lui ai répondu que je devais avoir un peu trop de testostérone, que le lion a dû se sentir menacé (Rires.) Bref, tout ça pour dire que pour rendre un lion vraiment terrifiant, y a pas grand-chose à faire à part être réaliste. Et puis tourner autant que possible en décors naturels, ça m'aurait semblé fou de faire ça en studio.

Ne pas être Américain, c'est une partie du secret pour faire un bon survival aux Etats-Unis ?
En tout cas, c'est sûr que ça me donne un autre point de vue sur le genre. Les Américains me proposent sûrement des survivals parce que j'ai une culture différente, peut-être une approche plus directe qu'eux. Mais au fond, pour moi, la vie elle-même est un survival : on naît et on meurt, et entre deux on fait ce qu'on peut pour rester en vie. On essaie de ne pas attraper le Covid et on évite de se faire écraser au feu rouge. Au cinéma, on réduit juste la temporalité et on rajoute une menace plus visible.

Beast, avec Idris Elba, Sharlto Copley, Iyana Halley... Sortie le 24 août au cinéma.