Les deux créateurs Robert et Michelle King, mari et femme à la ville, nous disent tout sur la saison 2 qui vient de s'achever, et la saison 3 venir.
Depuis une quinzaine d'années, Robert et Michelle King sont les papes de la série judiciaire et politique à la télé américaine. C'est à eux qu'on doit la déjà culte Good Wife. On leur doit aussi la comédie déjantée à Washington, Braindead, qui a secoué l'été 2016. Et depuis deux ans, ils font à nouveau l'unanimité avec The Good Fight, l'une des toutes meilleures séries du moment.
La saison 2, aussi folle que magistrale, a offert une réflexion puissante sur l'Amérique de Donald Trump et s'est terminée en fanfare il y a quelques semaines, sur la plateforme CBS All-Access (elle sera à voir en France prochainement sur Amazon). En attendant la saison 3, déjà commandée, Première a pu discuter avec les "King", invités du 58e Festival de télévision de Monte-Carlo. Interview.
The Good Fight est une série de plateforme, plus courte, où chaque saison ne compte que 12 épisodes. En comparaison, The Good Wife comptait 22 épisodes par an... C'est plus facile à faire du coup ?
Robert et Michelle King : Oui, c'est nettement plus facile. Sans le moindre doute. Déjà, c'est nettement moins fatiguant. Et puis surtout, on a plus de temps. Concrètement, on a une journée de plus pour tourner par épisode. Une journée de plus pour monter... Tout cela fait que ça enlève beaucoup de tension. Et puis c'est vrai que c'est une façon moderne de faire de la télévision aujourd'hui.
Du coup, vous avez le sentiment de faire un meilleur travail avec des saisons plus courtes ?
Oui, certainement. On termine moins sur les talons, épuisés. Je ne sais pas si c'est comme ça pour tout le monde, mais je crois vraiment que c'est mieux pour nous. On vieillit, et faire 22 épisodes par an, cela oblige à beaucoup déléguer (à un pool d'auteurs). Or, je trouve ça beaucoup mieux quand on arrive à travailler et écrire d'une seule voix.
Aux États-Unis, The Good Fight est diffusée sur une plateforme numérique, sur CBS All Access. Vous avez été déçus que le Network CBS ne la diffuse pas sur sa grande chaîne nationale, comme The Good Wife ?
Honnêtement, la seule déception vient du fait que l'audience que l'on peut toucher est réduite. La vraie différence, c'est qu'à chaque épisode de The Good Fight, 10 à 12 millions d'Américains regardaient en même temps. Il partageaient au même moment des scènes fortes. Alors que là, c'est beaucoup plus diffus dans le temps, puisque les gens regardent sur la plateforme quand ils ont envie. En Angleterre par exemple, la série est diffusée à la télévision classique, sur Channel 4 et du coup elle fait beaucoup parler. Pour tout dire, on est même en train de créer une nouvelle série, à destination d'un grand Network, pour pouvoir toucher à nouveau une audience large.
Quel projet exactement ?
Non je ne peux pas en parler encore, on ne l'a même pas encore pitché aux chaines... (rires)
Toutes vos séries ont un personnage féminin très fort. C'est une volonté délibérée de votre part, de mettre les femmes en avant pour vous démarquer des autres ?
Ce n'est pas tellement qu'on essaye de se démarquer des autres shows, c'est surtout qu'on est plus intéressé par les personnages féminins forts et que du coup ça se ressent dans le processus de création. Mais ce qui est vrai, c'est que délibérément, on est plutôt enclin à choisir une top actrice, plutôt qu'un top acteur, pour emmener notre casting. Parce qu'il y a déjà pas mal de personnages masculins très forts à la télé, alors que les femmes sont souvent cantonnées à des rôles de prostituées ou de meilleures amies. Du coup on a envie de leur faire de la place.
Mais une femme de plus de 60 ans en tête d'affiche, ça n'a quand même pas dû être facile à vendre auprès de la chaîne...
En fait, comme on savait déjà que ça serait Christine Baranski en tête d'affiche, ça n'a pas été tellement un problème. Mais en même temps, c'est vrai que c'était très intéressant de pouvoir se pencher sur la vie personnelle, sentimentale, et sexuelle d'un personnage féminin de 65 ans, sans jamais porter le moindre jugement. L'âge n'est pas du tout une question dans la série, absolument pas.
Vous utilisez vos séries comme des outils pour dénoncer des choses ? Notamment politiques ?
Non au départ, on cherche d'abord le divertissement. On cherche à faire rire et pleurer notre public. La politique, c'est un moyen d'arriver à ça. Dans notre idée, on ne cherche pas forcément à faire la leçon. Ce serait un peu prétentieux de penser qu'une de nos séries pourrait être un outil pour dénoncer quoi que ce soit. Si un jour quelqu'un de l'immigration se trouve un peu plus ouvert au monde grâce à notre série, alors ce sera tant mieux. On va peut-être faire réfléchir les gens sur de petites choses liées au système. Mais on ne les fera pas changer d'avis. On fait pas changer d'avis les gens comme ça...
Comment est-ce que vous faites pour travailler tous les deux en tant que couple ?
Au départ, on réfléchit à une idée et on crée quelque chose tous les deux. Ensuite, on va dans la salle des auteurs, et on s'entoure de 7 autres auteurs, qui nous aident à construire l'histoire. Ensuite, Michelle et moi on s'assoit tous les deux, et on commence à écrire. Après, moi je continue à écrire, et elle, elle s'occupe du reste : le casting, le production design, les costumes, et puis après le montage...
Quels sont les inconvénients et les avantages de travailler avec sa femme ou son mari ?
Il y a beaucoup de choses à penser quand on écrit une série, donc c'est agréable de pouvoir partager les tâches, de pouvoir aussi discuter des scripts à la maison ou au travail. Mais en même temps, l'inconvénient, c'est qu'on est toujours dans le travail. Il n'y a pas la possibilité de laisser ça dans un coin. Nos personnages deviennent assez obsédants même par moment...
Est-ce que c'est le contexte politique et social actuel aux États-Unis qui vous a incité à écrire une saison 2 aussi engagée ?
En réalité, quand on a commencé à écrire la saison 2, la situation politique n'était pas encore celle qu'on connait aujourd'hui. Mais on était en pleine campagne, et les discussions politiques étaient dans la bouche de tous les Américains. C'était un moment assez bizarre. Et ça n'aurait pas été logique que nos personnages n'en parlent pas. Surtout que nos personnages ont un sens politique très aigu , donc il fallait quand même que cela ait du sens. Maintenant, c'est vrai qu'au départ, lorsqu'on a commencé à écrire la saison 2, on se dit qu'on ne mentionnerait jamais le nom de Trump...
Sans rire ?
Non non, c'est vrai. On peut dire que ça n'a pas vraiment marché... (rires) En fait, on pensait que l'année se résumerait surtout à des réformes austères, que ce ne serait pas très fun. Qu'on parlerait surtout de décisions politiques sèches et rudes. Et puis après, on a vu aux infos tout ce que tout le monde a découvert par la suite...
Dans la saison 3, vous allez continuer comme la saison 2, à centraliser beaucoup l'histoire autour de Donald Trump ?
Le truc, c'est qu'on a un président star de télé-réalité. C'est assez unique d'avoir ça. Donc nous, on essaie de comprendre comment ça a pu arriver. Parce que il est facile de pointer du doigt les Républicains, où les gens du sud des États-Unis comme étant le problème. Nous, on préfère se placer du point de vue de l'histoire, raconter quelque chose au-delà des faits. C'est ce qu'on essaie de faire dans la prochaine saison.
Mais est-ce que vous pourriez pousser carrément la fantaisie jusqu'à mettre en scène un "impeachment" du président Trump dans la série ?
Non, on ne tient pas vraiment à aller trop loin au-delà des faits. On ne veut pas tomber dans la fantasy pure et dure. On ne sait pas vraiment où va aller le monde et l'Amérique dans les mois qui viennent. Il y aura des élections intermédiaires en novembre chez nous. On verra...
Est-ce que c'est vrai, comme on a pu le lire il y a quelques jours, que Justin Bartha (Colin Morello) ne sera pas de retour au casting régulier dans la saison 3 ?
J'ai vu passer ça effectivement, mais je ne sais pas d'où ça sort. Ce ne sont que des rumeurs pour l'instant. On est encore en vacances pour tout dire, et on n'a pas vraiment décidé exactement de ce qu'on ferait dans la prochaine saison. Donc on verra ça en rentrant. Il pourrait tout à fait encore là dans la saison 3.
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