Rencontre avec Anne Sewitsky, co-créatrice et réalisatrice d’un thriller norvégien en compétition.
Un duo de flics mal assortis, la disparition mystérieuse d’une jeune fille, des meurtres atroces, une communauté religieuse planquée au fin fond de la Norvège, l’horreur tapie sous la surface… En compétition à Séries Mania, la série Monster coche toutes les cases du genre Nordic Noir (l’une des valeurs les plus sûres de la production télé contemporaine) tout en démontrant par son ambition atmosphérique qu’elle a pris en compte les mutations récentes du genre, initiées par le chef-d’œuvre Top of the Lake. Rencontre avec la co-créatrice et réalisatrice Anne Sewitsky, aussi affable et souriante que sa série est dark et étouffante.
Première : Ça vous va si on décrit Monster comme du Nordic Noir ? C’est une appellation qui vous convient ?
Anne Sewitsky : Oui, je crois. C’est un genre dominant aujourd’hui, qui commence à avoir une longue histoire derrière lui, il mute, il part dans plein de directions différentes. On s’inscrit clairement dans cette tendance.
Mais justement… Comment se distinguer alors que les séries de ce genre abondent ?
On s’est bien sûr posé la question : qu’est-ce que le Nordic Noir ? Quels sont ses passages obligés, ses motifs récurrents, ses clichés ? Mais une fois le problème cerné, on a laissé toutes nos interrogations de côté. On ne cherchait pas à faire une série consciente d’elle-même, qui réfléchit sur le genre. On n’est pas à côté du genre, pas au-delà, mais dedans, au centre.
Du Nordic Noir à l’état pur, donc ?
C’est un drame criminel, produit dans un pays nordique… C’est la définition même du Nordic Noir !
Aujourd’hui, on fait du Nordic Noir partout dans le monde : aux Etats-Unis avec les remakes de Millenium et des meilleures séries danoises, en France avec Jour Polaire, même en Nouvelle -Zélande avec Top of the Lake…
Ah, vous considérez Top of the Lake comme du Nordic Noir ? C’est marrant, je n’avais pas vu ça comme ça. Intéressant.
Bah, quand même, non ? D’ailleurs, la réalisation atmosphérique et "climatique" de Monster laisse penser que vous êtes très fan de la série de Jane Campion… Je me trompe ?
Non, j’adore ! C’est très puissant. Ça dépasse très vite la simple intrigue criminelle pour aller sonder l’âme des personnages. Des personnages vraiment extraordinaires, d’ailleurs. C’est exactement ce qu’on voulait faire avec Monster : le crime comme prétexte à l’étude de caractères, les paysages comme un personnage à part entière, et la primauté donnée à la mise en scène.
Justement, comment êtes-vous tombée sur ces paysages impressionnants ? D’ailleurs, ça se passe où, Monster ?
On voulait créer notre propre univers fictionnel, quelque part entre le fantasme et la réalité. Les premiers scripts étaient écrits pour un paysage différent de là où on a finalement tourné. On est parti en repérages, et notre voyage nous a mené loin, très loin, tout au nord de la Norvège, près de la frontière russe. On ne fait pas plus au nord que ça ! On s’est établi dans une petite ville isolée, avec un seul hôtel pour loger toute l’équipe. C’était un cauchemar en termes de production mais je crois que c’est assez payant à l’image.
Je reviens à mon obsession Nordic Noir… Ça ne vous énerve pas qu’on mette tous les pays scandinaves dans le même panier ? Qu’on ne fasse pas de distinction plus fine entre le noir norvégien, suédois ou danois ?
Non, pas du tout. Tout se mélange, là-bas. Culturellement, on est très proches, nos acteurs jouent indifféremment dans un pays ou dans l’autre. En termes de production de séries, la Norvège était un peu à la traîne par-rapport au Danemark mais elle a rattrapé son retard. Il y a une émulation collective. Le chef op’ de Monster avait bossé sur Bron (la série qui a inspiré The Bridge, puis Tunnel – ndlr).
Votre chef op’ est fan de Top of the Lake aussi ?
Désolée, je n’aime pas beaucoup parler de références ! Si je vous dis ce qu’on a regardé avec mon chef op’ en préparant Monster, vous ne pourrez en tirer aucune conclusion, ça n’aura aucun sens ! On a regardé des comédies des années 80, des thrillers, des drames psychologiques, tout et n’importe quoi.
Qu’est-ce que vous avez regardé comme comédie des années 80 ?
Euh… Comment s’appelle ce film, déjà ? Celui où la fille de Shirley MacLaine a un cancer…
Tendres Passions ? Ah oui, effectivement, ça ne ressemble pas beaucoup à Monster…
Vous voyez ! Qu’est-ce que je vous disais !
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