Affiches Films à l'affiche semaine du 15 janvier 2025
The Jokers Films/ SND/ Universal

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
LE DOSSIER MALDOROR ★★★☆☆

De Fabrice du Welz

L’essentiel

Fabrice du Welz s’empare librement de l’affaire Dutroux pour signer un thriller obsessionnel et rugueux façon Zodiac de David Fincher, porté notamment par un immense Sergi Lopez.

Pour son nouveau film, Fabrice du Welz (Calvaire, Inexorable…) a choisi de s’inspirer d’une des plus sombres affaires pédo-criminelles qu’a connue la Belgique, l’affaire Dutroux. Et ce tout en prenant ses libertés, changeant certains faits et surtout, les noms. Dutroux est ici Dedieu. C’est à Sergi Lopez que revient la lourde tâche de revêtir les habits du grand méchant loup. La mine renfrognée dévitalisée de toute humanité, l’acteur espagnol investit puissamment le cadre riquiqui qu’on lui donne sans surjouer les salauds, le personnage l’étant de fait. Sans lui, le film perdrait son équilibre et ce, même si c’est un autre champ qu’explore Le Dossier Maldoror, celui très fincherien de l’enquêteur obsédé jusqu’à l’os par la traque. En creux, c’est une région sinistrée par la crise que filme Fabrice de Welz. Et c’est de cet ancrage réaliste que le cinéaste tire la force tellurique de son thriller social et brutal.

Thomas Baurez

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

JE SUIS TOUJOURS LA ★★★★☆

De Walter Salles

Pour son premier film depuis treize ans, Walter Salles signe une oeuvre déchirante sur l'une des pages les plus sombres de l'histoire brésilienne en racontant le destin authentique d’une famille pendant la dictature militaire. Le père, ancien député engagé à gauche, est enlevé par cinq hommes armés. Son épouse se met en quête désespérée de la vérité, se heurtant sans fin au mur du silence bureaucratique. Et le récit bascule alors dans l'horreur kafkaïenne d'un système où les autorités nient jusqu'à l'existence même de leur crime. Je suis toujours là échappe aux écueils du film à thèse ou au sensationnalisme parvenant avec élégance, à insuffler la juste dose de romanesque pour nous rendre sensibles au sort de cette tribu. Salles montre comment l'amour survit à la barbarie, et comment chaque geste de tendresse peut devenir un acte de résistance.

Gaël Golhen

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LE QUATRIEME MUR ★★★★☆

De David Oelhoffen

Adapté du roman éponyme de Sorj Chalandon, ce drame historique de David Oelhoffen (Loin des hommes) se déroule en 1982 au Liban où arrive Georges, un Français qui souhaite mettre en scène la pièce Antigone au milieu de la guerre. Derrière ce scénario aux airs idéalistes, le film frappe par sa vision d’un pays déstabilisé dont les habitants gardent pourtant espoir et spiritualité. Découvrant peu à peu la complexité politique du Liban, Georges, incarné par l’intense Laurent Lafitte, va s’identifier à sa troupe de théâtre locale et y déceler une grande sentimentalité. D’abord gracieuse, la mise en scène bifurque au moment de l’invasion israélienne du Liban puis du massacre de Sabra et Chatila pour plonger dans une violence traumatique un peu expédiée qui illustre cependant bien la fin des illusions. Et ce récit poignant de renvoyer malgré lui à la situation présente du peuple libanais, à nouveau ravagé par les bombardements.

Damien Leblanc

 

PREMIÈRE EST PARTAGE

BABY GIRL ★★★☆/★

De Halina Reijn

POUR

Dans Babygirl, Nicole Kidman incarne une cheffe d’entreprise sous pression, dont la vie ordonnée à l’excès, mais privée de jouissance, est bouleversée par sa rencontre avec un stagiaire sexy (Harris Dickinson), avec qui elle va aller explorer les contrées troubles du BDSM. Halina Reijn emploie ici un ton malicieux, gentiment trash, pour mieux révéler l’envers puritain des thrillers en open-space dont elle s’inspire (Harcèlement en tête). Mais derrière l’état des lieux de la sexualité après MeToo, il y a le portrait émouvant d’une femme qui cherche dans le sexe la possibilité d’une guérison. Le film n’existerait pas sans Kidman, phénoménale, intrépide, qui rediscute ici des pans entiers de sa filmo (d’Eyes Wide Shut à Et l’homme créa la femme) et rappelle que les vraies stars de cinéma sont avant tout de grands masos.

Frédéric Foubert

CONTRE

Halina Reijn raconte donc la dégringolade d’une chef d’entreprise control freak qui ne passera pas par le travail (totalement occultée) mais par le sexe (affiché), lorgnant bien vers les thrillers érotiques 80’s et 90’s. Notre puissante babygirl en question - attention cliché ! -  rêve en secret d’être dominée par – attention cliché - un jeune stagiaire aux yeux faussement doux (Harris Dickinson) Que cherche au juste Halina Reijn tant tout apparait chez elle plaqué ? On attend en vain le trouble qui ferait tout vaciller et montrerait autre chose qu’une Kidman surjouant l’actrice au visage malmenée par le bistouri à qui il est désormais demandé d’en faire un accessoire de jeu. C’est là où se loge la vraie cruauté d’un film qui ne sait pas quoi en faire.   

Thomas Baurez

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PREMIÈRE A AIME

MEMOIRES D’UN ESCARGOT ★★★☆☆

De Adam Elliott

Couronné par le plus haut prix, le Cristal du long métrage, lors du dernier festival d’Annecy, Mémoires d’un escargot est le premier film d’Adam Elliot depuis son superbe Mary et Max. en 2009. Toujours avec une animation en stop motion en forme de prouesse technique, le cinéaste australien raconte la vie de l’innocente Grace Pudel, séparée de son jumeau à la mort de leur père. Lui se retrouve dans une famille de bigots, elle chez un couple qui la laisse seule le soir pour aller faire la fête. Mais Grace va se lier d’amitié avec une octogénaire excentrique qui va lui apprendre à aimer la vie. Pas du tout pour les enfants (le père alcoolo, la mère décédée en couche, un juge qui se touche sous son bureau…), cette tragicomédie dickensienne hantée par la mort trouve la beauté dans l’étrangeté. Un conte d’apprentissage poignant, aussi doux que lugubre, qui cache une colère sourde envers le monde.

François Léger

SPECTATEURS ! ★★★☆☆

De Arnaud Desplechin

Aussi éloigné soit-il de ce genre de films, Arnaud Desplechin lui aussi a succombé au « film sur le cinéma ». Leçon plutôt que lettre d’amour, Spectateurs ! est un objet hybride, composé de fragments de fiction (la saga Dédalus continue !), de séquences documentaires ou d’autres encore qui relèvent quasiment du cours d’introduction à l’art cinématographique en première année d’école. Il en résulte un film plus ou moins cohérent et abouti (et pourquoi ne durerait-t-il pas quatre heures ?), qui tient quand même par cette envie contagieuse de se rappeler les quelques vérités sur lesquelles les cinéphiles s’accordent, c’est-à-dire l’essence du septième art. Il est forcément touchant de voir le cinéaste mettre en scène la rencontre entre Paul Dédalus et le cinéma par l’intermédiaire de sa grand-mère. Mais ces passages rappellent aussi que c’est dans l’écriture fictionnelle qu’excelle le plus Desplechin…

Nicolas Moreno

LA RIVIERE DES SENS ★★★☆☆

De Xue Ma

Cinq ans après le COVID n’a toujours pas complètement déserté les écrans de cinéma. Dans une ville-dortoir proche de Pékin, Yang Fan, une femme mariée, voit sa routine bouleversée par la pandémie. Progressivement, les fantasmes envahissent sa vie et on suit sa dérive sexuelle à travers des scènes explicites qui, loin de toute passion romanesque, sont filmées avec la même banalité que ses gestes quotidiens. Tourné en Corée, par une équipe entièrement chinoise, le film oscille entre le romantisme frontal des productions sud-coréennes et la chronique sociale et théorique du cinéma indépendant chinois, ou pour faire local (et utiliser des références revendiquées) entre Rohmer et Bresson. Guidé par le chef opérateur Ash Chen (tonalité laiteuse, cadre rugueux), La Rivière des sens baigne dans une atmosphère brumeuse qui reflète l'espace de cette ville isolée et figée dans le temps du COVID. Car s’il est beaucoup question de sexe, évidemment, le parti pris de la banalité, de la répétition mécanique des scènes érotiques interrogent finalement moins les pulsions des personnages que leur isolement social, l'apathie qui a touché toute une population. Et en trahissant son mari, en cherchant à assouvir ses fantasmes comme ceux de son mec, l’héroïne devient au fond le sujet et l’instrument d’une vraie libération.

Pierre Lunn

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

WOLF MAN ★★☆☆☆

De Leigh Whannell

Tout commence dans l’Oregon, en 1995. Un chasseur (paramilitaire et assez brutal) et son gamin font une drôle de rencontre dans les bois. Trente ans plus tard, le fils, sa femme et leur fille reviennent sur les lieux pour vider la maison ; et, ma foi, vous voyez bien ce qui va se passer. Et les SFX mécaniques et les maquillages en dur, efficaces car visiblement conçus par des gens qui connaissent leurs classiques (Chris Walas de La Mouche et Rick Baker du Loup-garou de Londres sont cités littéralement), dissimulent mal le fait que la mécanique de Wolf Man ne fonctionne pas vraiment. Le kif espéré de la série B est bien maigre : peu d’action, peu d’enjeux, peu de monstres, peu de gore... Et la dynamique familiale est plus caricaturale qu’esquissée. Le réalisateur d’Upgrade et Invisible Man se frotte donc au mythe du loup-garou, sans convaincre.

Sylvestre Picard

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PAR AMOUR ★★☆☆☆

De Elise Otzenberger

Sarah (Cécile de France), 40 ans, doit jongler avec ses deux fils de 6 et 9 ans et un mari souvent absent. Le burn out guette et un jour, l’aîné disparaît sur la plage. Sarah le retrouve de longues minutes plus tard, trempé et mutique. Désormais obsédé par le contact de l’eau, il croit entendre des extraterrestres dès qu’il plonge la tête dans son bain… Cécile de France porte sur ses épaules ce drame aux frontières du surnaturel, sous les influences évidentes de Steven Spielberg (époque Rencontres du troisième type et E.T.) et Jeff Nichols (époque Take Shelter et Midnight Special). Quelques visions sublimes peuplent ce film qui peine pourtant à émuler l’effet de sidération produit par ses figures tutélaires. Mais Par Amour fait entendre ça et là une petite musique très personnelle, à travers le portrait touchant de cette femme à l’étroit dans sa propre vie, qui s’autorise enfin à rêver.

François Léger

DREAMLAND ★★☆☆☆

De Paul Gourdon, Théophile Moreau, Julie Marchal et Agathe Roussel

Intrigant sur le papier - compilation de centaines de récits de jeunes de tous pays qui partagent leurs rêves, face caméra comme dans une espèce de réunion Zoom connectée mondialement - ce procédé déjà desservi par la multiplication de plans au drone à la Yann Arthus-Bertrand laisse sur sa faim. Car il n’aboutit qu’à l’accumulation d’histoires individuelles certes pas inintéressantes (le récit déchirant d’un rappeur brésilien…) mais sans grand relief. On est plus proche de l’entretien d’embauche que du vertige poétique !

Sylvestre Picard

 

Et aussi

Bogre, le christianisme cathare dans l’Europe médiévale, de Fredo Valla

La Cour, d’Antharès Bassis

Les Extraordinaires aventures de Morph, de Merlin Crossingham

Sept promenades avec Mark Brown, de Pierre Creton et Vincent Barré

La Reprise

Le Pavillon d’or de Kon Ichikawa, de Kon Ichikawa

 

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