Alice Diop en six films : La Mort de Danton, Vers la tendresse, Nous, Saint Omer...
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Retour sur le parcours sans faute de la réalisatrice.

Saint Omer a triomphé à la Mostra de Venise, puis a été célébré jusqu'aux César, en 2022/2023. Diffusé depuis cette semaine sur Arte.TV, Première vous conseille chaudement ce film de procès, portrait marquant une femme infanticide.

Alice Diop signait ici sa première fiction, mais elle avait déjà bluffé les cinéphiles grâce à ses documentaires très forts, racontant des tranches de vie en France et au Sénégal depuis 2007. La réalisatrice était alors en couverture du numéro 534 de Première (novembre 2022), développant dans nos pages les secrets de fabrication de son cinéma engagé. 

Si son travail est de plus en plus remarqué par les cinéphiles, il reste trop méconnu du grand public, alors qu'il mérite largement d'être vu. La preuve par six.

Saint Omer : un film de procès aussi implacable qu'impressionnant [critique]

LES SÉNÉGALAISES ET LA SÉNÉGAULOISE (2007)
Alice Diop est née en France, sa mère au Sénégal. La cinéaste est partie un mois dans la patrie maternelle pour filmer des femmes dans leur vie quotidienne. Si les enfants circulent librement dans le cadre, les hommes, eux, sont absents. Il est question ici de blessures, d’espoir, des regards tournés vers un ailleurs. « Je mesure d’ici ce que l’exil transforme, tout ce que l’on perd en partant, tout ce que l’on gagne », expliquait la réalisatrice.

LA MORT DE DANTON (2011)
Steve vient de banlieue, a la peau noire et prend des cours de théâtre à Paris : « Parfois, je ne me sens pas à ma place ! » Et de fait, les professeurs ne trouvent pas quoi lui faire jouer. En tout cas pas Danton. Alice Diop filme ce colosse aux pieds d’argile, au cœur (trop) tendre. C’est en dehors de la scène, face à la caméra de la cinéaste que Steve pourra être Danton : « Nous avons brisé la tyrannie des privilèges (…) mis fin au monopole de la naissance… »

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LA PERMANENCE (2016)
Le dernier plan de ce documentaire montre une salle d’attente entièrement vide de l’hôpital Avicenne de Bobigny qui accueille sans rendez-vous des primo arrivants. Ce plan contraste avec tous les autres, peuplés et resserrés. Patients et médecins se succèdent dans la salle de consultation. Champs, contrechamps. Il y a assurément du Raymond Depardon dans la façon dont Diop interroge une société en forçant les portes d’une intimité enfin dévoilée.

VERS LA TENDRESSE (2016) Quatre garçons de Seine-Saint-Denis évoquent leur rapport contrarié à l’amour. Alice Diop obtient le César du meilleur court métrage et dédie son prix aux jeunes victimes de crimes racistes par la police française. Vers la tendresse unit visages et paroles par le biais d’un montage sensible et éclairant. La caméra capture ainsi en gros plan de jeunes garçons mutiques dans des périodes d’attente ou de transition, tandis qu’en off, leurs voix livrent une pensée en mouvement.

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NOUS (2021)
Nous est l’histoire d’une traversée, celle qui suit la ligne B du RER en Île-de-France. Au fil de rencontres disparates, on passe des quartiers populaires à une population plus bourgeoise. Des mondes qui ne se télescopent jamais, mais qui ont le droit à la même attention. Le « nous » hypothétique d’une population française enfin plurielle est questionné en une succession de « je » et de « ils », liés par des lignes invisibles et un tracé ferroviaire tangible.

SAINT OMER (2022)
Avec cette première fiction, Alice Diop interroge avec une acuité nouvelle ce qui la travaille depuis ses débuts : la restitution de la parole. Dans Saint Omer, les premiers mots prononcés par la mère infanticide d’origine sénégalaise déjouent par leur préciosité tous les préjugés de classe. Dès lors, les regards convergent vers cet insondable et mystérieux visage. Toutes les certitudes s’en trouvent totalement reconfigurées.