Un beau drama, inspiré de la vraie vie de Lali Sokolov, qui rappelle l'horreur d'un souvenir qui tend tragiquement à s'estomper, année après année.
Bientôt, cela fera un siècle. Presque un siècle que l'humanité a découvert les horreurs du Nazisme. Cette semaine marque les 80 ans de la libération du camp d'Auschwitz, ce moment où le monde a pris conscience de la réalité de la solution finale. Et si ce souvenir glaçant tend inexorablement à s'effacer avec le temps, des séries comme Le Tatoueur d'Auschwitz sont un bon moyen d'entretenir le devoir de mémoire.
Il y a quelques années, la romancière Heather Morris a croisé la route de Lali Sokolov. Il lui a raconté être un rescapé du tristement célèbre camp de la mort polonais. Il y était prisonnier, reconverti en tatoueur, tentant de survivre dans cet enfer sur Terre. Mais au fond de cet abyme de souffrance, il a rencontré sa femme, Gita. Entre eux, malgré des conditions morbides, c'est une véritable histoire d'amour qui a pu naître.
La réalisatrice israélienne, Tali Shalom-Ezer, filme ainsi un coup de foudre à Auschwitz, dans une fiction inégale, qui ose la love story dans les camps, injectant au passage une multitude de thématiques allant de la passion au sentiment de culpabilité, en passant par le traumatisme impossible à surmonter. Une flopée d'émotions que la série peine parfois à transmettre. Heureusement, la tragédie romantique supporte son propre poids grâce aux performances épatantes d'Anna Próchniak et de Jonah Hauer-King, qui passe admirablement du prince Eric de La Petite Sirène (la récente version live) au déporté d'Auschwitz.
On aurait d'ailleurs pu se passer des allers-retours avec le présent, où les scènes "de nos jours", entre Harvey Keitel et Melanie Lynskey, grèvent le récit d'un pathos plus éprouvant que poignant.
D'autant que l'intérêt du Tatoueur d'Auschwitz repose essentiellement sur la peinture effarante qui est faite du camp. La reconstitution est précise, mais elle est surtout très vivante. Délaissant l'aspect documentaire, elle assume pleinement son côté série carcérale, pour mieux enraciner le récit dans le concert, et raconter le quotidien des prisonniers . Les assassinats intempestifs, les exécutions sommaires, la cruauté des gardiens nazis, la débrouille pour survivre à une mort certaine, qui rôde à tous les coins des baraquements. Le Tatoueur d'Auschwitz est d'une violence insoutenable, comme lorsqu'on voit ces femmes nues parquées comme des bêtes avant d'être emmenées aux chambres à gaz. Il y a de quoi être choqué, évidemment. Et c'est le but honorable d'une telle fiction. Sans avoir la prétention de décrire minutieusement la réalité - il s'agit d'une adaptation d'une œuvre de fiction basée sur le souvenir d'une expérience, racontée des décennies plus tard - et en assumant sa part de narration, la série parvient à transmettre la réalité d'une horreur indicible, et dans la foulée ce message indispensable : regardez jusqu'où l'humanité est déjà allée, pour toujours éviter d'y retourner.
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