Certaines femmes : une pépite du cinéma US indé avec Lily Gladstone et Kristen Stewart [critique]
LFR Films

Avant Killers of the Flower Moon, la comédienne avait déjà fait sensation dans ce film de Kelly Reichardt. A (re)voir ce soir sur Arte.

La Journée internationale des droits des femmes se fête avec un peu d'avance, ce soir sur Arte : la chaîne programmera deux œuvres anglophones mettant en avant l'histoire des droits des femmes. Tout d'abord, Les Suffragettes, film de Sarah Gavron (Rendez-vous à Brick Lane) porté par Carey Mulligan, Helena Bonham-Carter et Meryl Streep, qui comme son titre l'indique s'intéresse à celles qui ont su se battre pour obtenir le droit de vote, en Angleterre, au début du siècle dernier.

Voici la critique de Première, suivie de sa bande-annonce. Notez que Les Suffragettes est également disponible gratuitement en streaming sur le site de la chaîne.

Pur récit d’émancipation historique (Meryl Streep fait quelques apparitions dans le rôle de la légendaire activiste féministe Emmeline Pankhurst), le film se démarque moins par le trajet sacrificiel de son héroïne, incarnée par Carey Mulligan, que par la rage dont témoigne par endroits sa mise en scène. Le souvenir de The Magdalene Sisters (2002), œuvre-choc de Peter Mullan sur des jeunes filles brutalisées dans une institution religieuse destinée à la rééducation des femmes "perdues" – où figurait aussi Anne-Marie Duff –, s’invite alors, dressant contre le patriarcat de cohérents ponts cinéphiliques. 


40 ans après, Meryl Streep célèbre Le Choix de Sophie

A 22h40, place à Certaines femmes, de Kelly Reichardt. La réalisatrice, acclamée récemment pour Showing Up, a fait sensation en 2017 en offrant des rôles forts à Laura Dern, Michelle Williams, Kristen Stewart et Lily Gladstone. Cette dernière a depuis bluffé le public grâce à Killers of the Flower Moon, de Martin Scorsese, film pour lequel elle pourrait bien remporter un Oscar ce week-end.

Première vous le conseille. Voici notre critique, initialement publiée pour sa sortie au cinéma.

La cinéaste indépendante Kelly Reichardt poursuit son chemin mutique sur les routes d’Amérique. Certaines Femmes entrecroise quatre portraits de, hum… femmes (Laura Dern, Michelle Williams, Kristen Stewart et Lily Gladstone) dans une forme proche du film à sketches, évoquant le Short Cuts de Robert Altman. C’est un film intrigant, intimidant, mais assez passionnant si on décide de ne pas se laisser impressionner par ses longues plages de silence.

Le propos de Reichardt n’est pas tant à chercher dans les intrigues elles-mêmes que dans les indices « westerniens » disséminés aux quatre coins du cadre. Un train traversant une plaine du Montana, des Indiens paradant dans un centre commercial, une fille qui se rend à ses cours du soir à cheval… L’idée, ici, est de traquer les échos et les vestiges d’une Amérique primitive, pré-industrielle, puis de la faire remonter à la surface en la repeuplant de figures féminines. Comme s’il s’agissait, dans une optique féministe, de « corriger » la version masculine (machiste ?) de l’histoire de l’Ouest. Le paysage est montré à la fois comme une prison et une promesse sans cesse renouvelée d’émancipation.

Tout ça a l’air affreusement théorique dit comme ça, mais Reichardt réussit ici, comme dans son chef-d’œuvre La Dernière Piste, à combiner ses partis-pris les plus intellectuels avec des bouffées purement émotionnelles, dans une espèce de langueur cool qui évoque pour le coup moins Short Cuts que les Altman seventies, les meilleurs, ceux qui combinaient colère politique et hébétude jointée. Certaines Femmes souffre parfois d’un excessif esprit de sérieux mais est en tout cas une preuve précieuse que le ciné indé US n’est pas condamné à ressasser ad lib les mêmes formules toutes faites.


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