Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
L’EXORCISTE- DEVOTION ★☆☆☆☆
De David Gordon Green
L’essentiel
David Gordon Green loupe avec le film séminal de Friedkin ce qu’il avait réussi avec le Halloween de John Carpenter : réinjecter de la vie (et de la pertinence) dans un mythe de cinéma.
Un prologue au parfum de vaudou dans un pays "exotique", une première grosse partie en forme de drame familial, puis une dernière dose de climax (devinez ce qui s’y passe). Avec L’Exorciste : Dévotion, David Gordon Green suit religieusement la structure du film de William Friedkin (qui fête cette année ses 50 ans). Le plus convaincant est, et de loin, cette première partie où deux jeunes filles disparaissent dans les bois. Le mystère s’épaissit, l’ambiance est lourde, pesante, et elle est portée par un acteur super : Leslie Odom Jr, même s’il n’a pas grand-chose à jouer. Et c’est à peu près tout. Les suites de L’Exorciste dialoguaient de façon bien plus fascinante avec la mythologie originelle, soit en la détournant (Boorman, Blatty), soit en la réinvestissant (Schrader). Ni détournement, ni réinvestissement ne sont à l’œuvre ici, seulement une suite en forme de remake qui ne se pose en rien de plus qu’une résurrection commerciale à l’ère de la franchisation.
Sylvestre Picard
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
LOST COUNTRY ★★★★☆
De Vladimir Perisic
Stefan a 15 printemps dans la Serbie de 1996. Il est collégien et fils de madame la porte-parole du gouvernement serbe, alors que le régime criminel de Slobodan Milošević, rudoyé par des manifestations étudiantes contre le trucage des élections, vit ses dernières heures. Stefan oscille. Entre mère et patrie. Que faire de soi ? De ses géniteurs écrasants, de ses élans rebelles et fraternels, du monde extérieur ? Les illusions se perdent, l’innocence aussi. A travers lui, Lost country balaie un pan de l’histoire serbe, et de l’adolescence. Tout devient politique : des conversations à la récré aux visages impuissants ou empêchés des uns et des autres. C’est beau et délicat. Maîtrisé. Chaque scène est un tableau, ou une nature morte. Récompensé du Prix de la Révélation à la Semaine de la Critique de Cannes, Lost country fait de l’adolescence, un abyme silencieux.
Estelle Aubin
PREMIÈRE A AIME
LA FIANCEE DU POETE ★★★☆☆
De Yolande Moreau
Dix ans après Henri, Yolande Moreau revient à la réalisation en solo. Et elle en tient le rôle central : une femme amoureuse d’arts qui, serveuse dans une cafétéria, vit surtout de petits trafics. Une source de revenus qui ne suffit plus quand elle hérite d’une grande maison familiale qu’elle doit entretenir. Ce qui explique qu’elle décide de prendre trois locataires, bientôt rejoints par un quatrième homme, son amour de jeunesse qu’elle n’a plus depuis des années. La Fiancée du poète raconte avec une empathie, une poésie et une finesse infinies ce drôle d’attelage qui va s’improviser faussaires de tableau pour subvenir à ses besoins. Par son écriture, Yolande Moreau va au plus profond de ses personnages, met à jour leurs contradictions, les limites de cette vie en dehors des clous où l’utopie vient régulièrement se fracasser sur la réalité. Avec un un ton joyeusement mélancolique qui ne ressemble qu’à elle. Un film comme une parenthèse enchantée.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéPAT’ PATROUILLE- LA SUPER PATROUILLE- LE FILM ★★★☆☆
De Cal Brunker
Une (petite) météorite s'écrase sur Aventureville, et les cristaux qu'elle contient vont donner aux héros de la Pat' Patrouille des super-pouvoirs (feu, eau, télékinésie...). Sauf qu'une « savante zinzin » obsédée par les météorites rêve de s'en emparer... Suite à l'énorme carton du premier film en 2021(1,4 million d'entrées en France), il faut se faire une raison : on aura un Pat' Patrouille sur grand écran tous les deux ans -pour le plus grand bonheur des exploitants de multiplexes puisque la « cible » du film, comme on dit, est la famille avec enfants en bas âge. Ceci dit, du point de vue « cinéma animé avec des jouets », c'est très sympathique techniquement et la petite teckel Stella, qui prend le premier rôle, parvient même à nous émouvoir. On ne veut convaincre personne : de toutes façons, si vous êtes dans la cible, vous avez déjà réservé vos places, non ?
Sylvestre Picard
MAL VIVER/ VIVER MAL ★★★☆☆
De Joao Canijo
Deux films comme le champ et le contre- champ de la même histoire avec les mêmes protagonistes qu’on peut découvrir dans n’importe quel ordre, construisant un puzzle complexe à suivre mais d’où émane une puissance sourde qui finit par balayer tout sur son passage. L’action se déroule dans un hôtel portugais, tenu par les femmes d’une même famille. Mal Viver se concentre sur elles et la relation délétère qui les (dés)unit jusqu’à atteindre un point de non- retour quand l’arrivée de la plus jeune, après le décès de son père, réveille des rancunes enfouies depuis des années. Viver mal s’intéresse, lui, aux clients qui semblent aussi avoir choisi les vacances pour régler leurs comptes à ciel ouvert. C’est donc en stéréo que Joao Canijo tire à boulets rouges sur la violence qui peut découler des liens du sang, présentant la famille comme l’anti- cocon, le lieu de toutes les névroses, de toutes les cruautés. Un exercice de style à la cérébralité assumée.
Thierry Cheze
LOVE IT WAS NOT ★★★☆☆
De Maya Sarfaty
Les femmes sont des sauveuses. Elles se sauvent, sauvent celles qui les entourent, se font sauver, etc. Love it was not brosse le portrait d’une femme, Helena Citron, par d’autres femmes. Celles qu’elle a sauvées pendant la Seconde Guerre mondiale et celles qui l'ont sauvée. Helena était l’une des premières femmes envoyées dans le brasier d'Auschwitz, dans les années 40. Là-bas, elle est tombée amoureuse d’un officier SS, Franz Wunsch. Lui aussi l’a aimée, aidée. Il lui a évité le bûcher, tendu une couverture, a secouru sa sœur (mais pas ses deux neveux). L’histoire d’amour entre H. et F. est touchante, mignonne. Mais le documentaire émeut encore plus quand il raconte la sororité difficile, ambiguë, impossible entre les prisonnières du camp. Ou quand, à l’écran, apparaissent et témoignent des femmes âgées, joliment ridées, nombreuses. Rare et si doux.
Estelle Aubin
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIERE A MOYENNEMENT AIME
LE CONSENTEMENT ★★☆☆☆
De Vanessa Filho
Début 2020, Le Consentement avait fait sensation par sa description de l’emprise subie dans les années 1980 par Vanessa Springora (autrice du texte), qui devint à 13 ans l’amante d’un de Gabriel Matzneff 35 ans de plus qu’elle. En adaptant pour le cinéma ce récit poignant, Vanessa Filho met l’accent sur la brutalité physique de cette relation abusive et nous immerge dans une ambiance de cauchemar. Tandis qu’elle évacue plusieurs aspects intéressants du livre (comme le rapport complexe que Vanessa entretient avec son père absent), la cinéaste insiste sur la crudité morbide des relations sexuelles entre cette adolescente et ce quinquagénaire pervers incarné par un étonnant Jean-Paul Rouve. Mais sa mise en scène bancale s’éloigne trop de la hauteur de vue du livre et ne retrouve pas la lueur libératrice du texte original.
Damien Leblanc
Lire la critique en intégralitéMARIE- LINE ET SON JUGE ★★☆☆☆
De Jean- Pierre Améris
Une jeune serveuse enjouée bien que dans la dèche et un juge d’instruction dépressif dont elle devient la chauffeuse. En adaptant Changer le sens des rivières de Muriel Magellan, Améris orchestre un choc de personnalités et de classes en faisant se rencontrer puis se rapprocher deux personnes qui n’auraient jamais dû se croiser. S’emparer, comme ici, de la question du déterminisme social par le prisme d’une fable enveloppante, c’est courir le risque de vite verser dans la mièvrerie. Et hélas, à l’image du livre, ses personnages sont d’emblée trop enfermés dans des archétypes pour qu’on croit à leur évolution. Améris ne retrouve donc pas ici la subtilité sensible de son meilleur film, Les Emotifs anonymes, se préoccupant plus du message que de la manière de le distiller. Mais il peut compter sur l’interprétation dénuée, elle, de toute facilité lacrymale, et très complice de Louane et Michel Blanc.
Thierry Cheze
NINA ET LE SECRET DU HERISSON ★★☆☆☆
De Alain Gagnol et Jean- Loup Felicioli
Nina, petite fille rêveuse, est témoin d’une dure réalité : son père se retrouve au chômage et perd le goût de vivre. Fougueuse, elle se met en tête de braquer l’usine où un butin serait planqué. Mais à l’inverse de Phantom Boy des mêmes réalisateurs, ce polar pour enfants pas désagréable lasse cependant par son rythme répétitif. Et le hérisson, dans tout ça ? Il n’a d’intérêt que sa présence dans le titre et ne sert pas à l’histoire. Frustrant.
Lucie Chiquer
LE RAVISSEMENT ★★☆☆☆
De Iris Kaltenbäck
Notons d’emblée la pertinence et la beauté du titre d’inspiration durassienne, qui suggère à la fois une forme de béatitude et une action violente visant à s’emparer d’une chose ou d’un être. Cette dualité pourrait bien être le sujet même du film, premier long-métrage d’Iris Kaltenbäck, qui voit Lydia (Hafsia Herzi), sage-femme d’une douceur exemplaire, prise dans une spirale dangereuse. On adhère moins, en revanche, au choix du point de vue du récit, celui du petit ami (Alexis Manenti), accompagné d’une voix-off censée nous préparer à l’inéluctable. Prise en étau par le cadre de cette structure narrative aliénante, la protagoniste est comme empêchée. Lydia, avec ses mystères et ses doutes, reste trop insondable. On finit par ne plus vraiment la suivre dans cette quête éperdue au pays du mensonge.
Thomas Baurez
DE LA CONQUÊTE ★★☆☆☆
De Franssou Prenant
Connue pour son travail de monteuse sur les films de Raymond Depardon, Franssou Prenant réalise avec De la conquête un pur documentaire de montage dans lequel des voix neutres lisent les mots de Tocqueville et Hugo aux côtés de ceux de militaires algériens, pendant qu’un portrait contemporain de l’Algérie se dessine à l’image. Il faut un certain temps pour s’acclimater au rythme du documentaire, et ainsi apprécier par exemple la superposition de critiques des politiques urbaines datant de l’arrivée des Français avec les images de leurs conséquences dans le temps présent. Dans cet ensemble un peu trop chargé, les informations sonores empiètent trop souvent sur les différentes prises de vues, à l’image de la séquence d’ouverture où un bateau accoste à Alger, et dont on ne peut sentir la respiration à cause de la voix off.
Nicolas Moreno
VICENTA B ★★☆☆☆
De Carlos Lechuga
Connue pour son travail de monteuse sur les films de Raymond Depardon, Franssou Prenant réalise avec De la conquête un pur documentaire de montage dans lequel des voix neutres lisent les mots de Tocqueville et Hugo aux côtés de ceux de militaires algériens, pendant qu’un portrait contemporain de l’Algérie se dessine à l’image. Il faut un certain temps pour s’acclimater au rythme du documentaire, et ainsi apprécier par exemple la superposition de critiques des politiques urbaines datant de l’arrivée des Français avec les images de leurs conséquences dans le temps présent. Dans cet ensemble un peu trop chargé, les informations sonores empiètent trop souvent sur les différentes prises de vues, à l’image de la séquence d’ouverture où un bateau accoste à Alger, et dont on ne peut sentir la respiration à cause de la voix off.
Lucie Chiquer
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Le Festin nu, de David Cronenberg
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