Alors qu’elle vient de remporter le prix de la meilleure série dramatique, retour sur la pépite de HBO.
Pour une raison qui nous échappe encore, la première saison de Succession semble être passée sous le radar d’à peu près tout le monde. Pas faute d’avoir tenté de prêcher la bonne parole dès que l’occasion se présentait : auprès de vous, lecteurs (une double page élogieuse l’année dernière), de nos amis (« Ouais ça a l’air pas mal, mais je vais d’abord finir The Good Fight ») et même de notre maman (« Mais tu crois que ça va m’intéresser ? »). Après quelques silences polis, on a fini par la boucler. Jusqu’à ce que le miracle se produise au moment de la diffusion de la saison 2 : Succession est enfin devenue un sujet de discussion de ce côté de l’Atlantique, où l’on reconnaît son statut d’héritière de l’âge d’or de HBO.
Petit récap pour ceux qui seraient donc passés à côté : Logan Roy (l’impérial Brian Cox) est un vieux patriarche à la tête d’un conglomérat médiatique et financier, qui au moment de prendre sa retraite et de transmettre les rênes de son empire à son fils Kendall (Jeremy Strong, grande révélation), décide contre toute attente de faire marche arrière et de conserver son royaume pendant quelque temps encore. Ne reste plus à ses enfants, imbus d’eux-mêmes et persuadés de mériter la place suprême, qu’à s’écharper pour s’attirer les bonnes grâces de leur vieux papa et tenter de reprendre, à terme, le business familial.
Casting miraculeux
Si la saison 1 se focalisait grandement sur cette guerre intestine tragi-comique, l’intrigue tourne désormais autour d’une OPA hostile à laquelle est confrontée l’entreprise de Logan Roy (faut-il vendre en vitesse et encaisser un gros chèque ou bien rassurer ses actionnaires ?). La nouvelle fournée d’épisodes assume pleinement les différentes facettes de la série, passant naturellement de thriller psychologique à comédie, de drame à soap opera chez les milliardaires. Un tour de force, un vrai, rendu possible par un casting miraculeux, désormais assez habité par les personnages pour leur donner une vie intérieure à l’aide d’un simple regard. Tous seront forcés de faire leur introspection et d’analyser leur relation à la soumission et au pouvoir, seules monnaies d’échange dans un monde où l’argent va de soi (« Je me demandais si je pourrais t’emprunter cent petits millions de dollars », demande un moment le fils aîné). Outre son ultime séquence renversante, s’achevant sur un demi-sourire dont on ne révèlera évidemment pas la teneur, une scène d’humiliation à peine croyable le résume parfaitement : stressé par la présence d’une taupe dans ses rangs, Logan Roy organise une partie de « Boar on the floor », jeu de son invention où ses plus proches collaborateurs doivent imiter des sangliers, genoux à terre, pendant qu’il leur jette des saucisses au visage. D’abord sous le choc, chacun s’y prêtera finalement de bonne grâce dans l’espoir de sauver sa tête.
Dialogues ciselés
Il est toujours question de trahisons, d’alliance éphémères et de joutes verbales délicieusement outrancières (le spectacle réside ici dans les dialogues, infiniment ciselés), mais la série s’amuse à semer le trouble en humanisant certains de ses monstres, et en redonnant à des losers désignés la dose de dignité nécessaire à leur revanche. Des destinées si captivantes qu’elle finissent par prendre le pas sur l’intrigue séminale (qui sera calife à la place du calife ?) et à repousser sa résolution aux calendes grecques. « L’idée n’est pas de durer dans le temps. Je n'ai pas envie d'en arriver au point où le chien de la famille prend le pouvoir », nous rassurait en rigolant le showrunner Jesse Armstrong au moment de la diffusion de la première saison. On en est loin, et Succession en a encore sous le pied. Souhaitons-lui cependant de savoir prendre congé tant qu’elle est encore au firmament.
Succession, disponible en France sur OCS.
"Succession, c'est une guerre civile à l'échelle d'une famille"
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